Utiliser l’alimentation pour construire un monde meilleur demande d’abord de déconstruire certains a priori : difficile, mais essentiel
“J’ai vraiment pas envie de goûter, j’aime pas les légumes” . “T’es sûr Nico, t’as quand même préparé toute la recette, c’est dommage de ne pas tester” . “Nan mais vraiment je vous assure, c’est pas mon truc” . “On tente un deal ? Tu prends une micro bouchée, juste pour le principe, et t’as le droit de courir la recracher” . “Ok” . 5 minutes plus tard, Nicolas terminait l’intégralité de son sandwich végétarien et écrivait dans le livre d’or “premier légume depuis au moins 10 ans, nouvelle découverte intéressante”. Dans notre travail d’éducation alimentaire, nous nous heurtons fréquemment à des obstacles. Plus précisément, ceux que les bénéficiaires érigent du fait de leur expérience, leur culture et les a priori qui en découlent. Vouloir se réapproprier son alimentation pour construire un monde meilleur demande de s’en défaire, et plus particulièrement de ceux qui suivent.
Mon alimentation n'est pas si importante. Pour encore de nombreuses personnes, s’alimenter revient à une étape obligatoire quotidienne, machinale, à laquelle nous n’accordons que peu de réflexion. Cela ne doit pas être trop mauvais, peu cher, parfois sain. Nous ne reviendrons pas sur l’influence concrète de l’alimentation sur nos vies, ayant déjà abordé ce sujet. Le premier a priori à dépasser concernant notre alimentation est celui de son impact : chacun de nos repas est important et façonne le monde dans lequel nous vivons.
Le végétal, c'est naze. Nous devons drastiquement réduire notre consommation de viande, voire l’éradiquer si elle est industrielle, tant elle impacte négativement notre santé et notre planète. Ce qui implique d’augmenter notre part de légumes et de légumineuses. Levée de boucliers oblige car notre culture culinaire est carnée-centrée et n’a que rarement donné un premier rôle au végétal. Qui ne reste pas traumatisé de ces immangeables céleri-rémoulade, gratins de chou-fleur et endives au four de la cantine ? Ou des tristes haricots accompagnant le steak ? Des brocolis bouillis ? Le monde végétal est pourtant une mine de saveurs, de surprises et de plaisir encore inexploitée, ce qui veut donc dire que vous avez encore tout un univers (quasi-infini !) à découvrir. En manque d’inspiration ? Suivez les chef.fes tel.le.s que Nadia Sammut, Tom Hunt, Manon Fleury, Alain Passard … et autres géni.e.s du végétal. Nous le constatons quotidiennement : une fois dépassé leur dégoût initial, les gens (même les viandards) osant goûter et cuisiner le végétal découvrent et partent explorer avec plaisir un nouveau monde.
L'extrémisme de la viande. Voici un sujet qui déchaîne les passions les plus ardentes. D’un côté le véganisme, ardent défenseur du bien-être animal et de la planète. De l’autre, le culte du BBQ, vénérant ses habitudes, sa liberté et son plaisir. Cette polarisation brouille, crispe et empêche la possibilité même d’une analyse raisonnée. Nous reviendrons sur la question de la viande plus précisément dans un futur article mais nous souhaitons faire ici passer le message suivant : la nuance est de rigueur. Saviez-vous que les chaptels de boeufs ont un véritable intérêt écologique (source : Agrotech) ? Mais que le boeuf industriel reste la nourriture la plus polluante au monde ? Pour mieux nous ouvrir à la pertinence des informations, apprenons à n’en faire ni une religion, ni un combat.
Le temps et l’argent. Nous allons ici effleurer un sujet d’une importance capitale, hautement sensible : la question de l’accès au bon et bien manger. Nous l’aborderons plus en détails dans un futur article mais nous souhaitons dès à présent nuancer l’a priori de l’argent, selon lequel bien manger coûte nécessairement cher. Un fort revenu signifiera évidemment toujours plus de pouvoir d’achat et donc plus d’aisance alimentaire. Mais en comparant les coûts des mêmes courses entre un panier de néo-épicerie (ne distribuant que des produits issus de circuits vertueux), un panier bio de supermarché et un panier conventionnel de supermarché, on découvre que l’argument budgétaire perd de sa véracité (nous étudierons ce point dans un prochain article). Il existe un facteur plus déterminant et plus discriminant : le temps. Celui d’aller faire ses courses au bon endroit, de transformer des produits bruts pour les décliner en une multitude de repas sains, délicieux, nourrissants et peu chers (en les ramenant au coût par tête), de gérer ses restes pour ne pas gâcher et ne pas polluer, de s’informer et de s’éduquer sur ces questions .... Pour mieux manger, vous n’aurez pas besoin de dépenser plus d’argent. Vous aurez besoin de dégager plus de temps.
Ces a priori régissent nos comportements alimentaire et sont la source de nombreux blocages. Pour enrichir notre éducation, les abandonner ou les nuancer sera votre premier devoir. Alors seulement pourrez-vous faire bouger les lignes.
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